Triptyque japonais.
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Triptyque japonais.
Lou Ping dans ses pensées
(poète japonais 1527-1598).
« Lune se déplie
elle grince, c’est un grillon,
éternue pollen. »
[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]
Biographie :
Lou Ping, né d’un père fabriquant d’encre et d’une mère désosseuse de sèche, est très influencé par le travail du noir, ce qui irriguera plus tard toute son œuvre. Il étudie avec les enfants du shogoun local la calligraphie et les maîtres anciens. On sait peu de choses de sa vie si ce n’est qu’il fut fonctionnaire (service du recensement des bouches à nourrir et des coups de bâtons à donner) avant de, touché par l’illumination, se faire ermite errant. C’est sa période de création la plus prolifique, vivant d’un bol de riz mendié ou, plus rarement, d’une salamandre grillée, d’un beignet de légumes ou d’épluchures, ses pensées, aphorismes et haïku viennent aux oreilles (pourtant obtuses) de quelques nobles qui les collectionnent et les collectent.
Ils forment une somme de quelques trois mille six cent deux poèmes diffusés sous le nom de « Écrits du crachoir », « Crachats de l’écritoire » et « Une mouche boit sur mon pied ».
La légende dit qu’il est mort dans les buissons de la région de Kobe où il faisait son petit pipi pour embêter les coccinelles, piqué par un serpent jaloux.
« Lamento des soupes,
la pluie se noie, dans l’étang
galet dans la poche. »
« À l’ombre le vieux
au pied du figuier, se froisse,
un frelon sucré. »
[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]
« La mouche bouillie
parfume toute la soupe,
fadeur du tofu. »
« Les prunes au soleil
(… illisible…)
bouillant souvenir. »
[Une mouche boit sur mon pied - Kobe - 1588]
*
To Fou (lettré japonais 1612-1670) ou, l'inclinaison des plafonds au pinceau à calligraphie.
« Léchés par les algues
ils vaguent et divaguent ;
au loin, les pieds de l’esprit. »
Biographie :
To Fou, enfant sage, est né en mille six cent douze à quatre heures vingt dans la province de Shinano de parents organisateurs de duels de grillons chanteurs itinérants et baladins. Vivant longtemps de rapine, c’est lors d’un séjour en prison qu’il se met à écrire, puis à dire ses compositions pour distraire ou endormir ses codétenus. L’un d’entre eux (Tou Nu, influant acteur de No en disgrâce) joue de ses relations pour faire éditer les textes de To Fou – dont il est fou. Pour le remercier, celui-ci repeint leur cellule de bleu et de martinets.
Le recueil (Départ des esprits pour Ito) connaît un japonais succès auprès des lettrés de la région puis de l’archipel tout entier.
À sa sortie, To Fou devient un temps singe savant dans une cour de nobliaux avant qu’on perde toute trace de son existence jusqu’à sa mort relatée sèchement dans un dazibao laconique de Nara. Mort le 19e jour du 11e mois de la 8e année de l’ère Manji. C’est le poète d’une unique œuvre.
« Elle clapote à la nuit
chauve comme un œil,
cette fesse d’ange. »
« Sous les lampions rouges
au goût de la coriandre,
un Tigre qui pleure. »
« Le crachat du poulpe
marque dans la marge,
rapaces comme hirondelles. »
« Paresseusement
l’oreille caresse ;
petit poisson dans le vent. »
[Départ des esprits pour Ito - 1658]
*
Shou Ki (1115-1209) ou, la poésie muette des souris.
« L’esprit des esprits,
celui de celui qu’on mange,
lape dans la nuit
le frais lait trait des étoiles,
odeurs du grand chien mouillé. »
Biographie :
Shou Ki est la fille cadette que le troisième samouraï du clan Minamoto* eut avec la seconde suivante et femme de compagnie de la femme de l’empereur retiré Go-Shirakawa. Durant son existence cachée – près de vingt ans dans les multiples manches de kimonos et replis d’obis de la garde-robe Minamoto – elle étudie, silencieuse, la calligraphie, la peinture…
À la mort de sa mère et au sépuku de son père, découverte et chassée, elle part pour Nara lors d’un long voyage où elle découvre la vie hors des palais et note ses impressions dans un carnet qui ne comporte qu’une vingtaine de pages.
Contrairement à la poésie de son temps, la sienne ne se dit ni ne se chante, c’est une méditation. Ses filles ne retrouveront ce qu’on appellera « L'Hors obi de la muette », qu’à sa mort, cousu dans l’ourlet de son iromuji.
Ce bref et précieux recueil à moitié rongé par les souris sera publié en 1213 alors que Geoffroi de Villehardouin rédige ses mémoires.
*源
« Quand le nord sanglote,
vols des oiseaux de passage ;
trémolos de glotte
…
… (illisible) »
« La barque au fond plat,
mince comme un couteau,
coupe les lentilles
du ronin qui n’est pas droit
le sabre posé sur son doigt. »
[L'Hors obi de la muette - Nara - 1213]
(poète japonais 1527-1598).
« Lune se déplie
elle grince, c’est un grillon,
éternue pollen. »
[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]
Biographie :
Lou Ping, né d’un père fabriquant d’encre et d’une mère désosseuse de sèche, est très influencé par le travail du noir, ce qui irriguera plus tard toute son œuvre. Il étudie avec les enfants du shogoun local la calligraphie et les maîtres anciens. On sait peu de choses de sa vie si ce n’est qu’il fut fonctionnaire (service du recensement des bouches à nourrir et des coups de bâtons à donner) avant de, touché par l’illumination, se faire ermite errant. C’est sa période de création la plus prolifique, vivant d’un bol de riz mendié ou, plus rarement, d’une salamandre grillée, d’un beignet de légumes ou d’épluchures, ses pensées, aphorismes et haïku viennent aux oreilles (pourtant obtuses) de quelques nobles qui les collectionnent et les collectent.
Ils forment une somme de quelques trois mille six cent deux poèmes diffusés sous le nom de « Écrits du crachoir », « Crachats de l’écritoire » et « Une mouche boit sur mon pied ».
La légende dit qu’il est mort dans les buissons de la région de Kobe où il faisait son petit pipi pour embêter les coccinelles, piqué par un serpent jaloux.
« Lamento des soupes,
la pluie se noie, dans l’étang
galet dans la poche. »
« À l’ombre le vieux
au pied du figuier, se froisse,
un frelon sucré. »
[Les écrits du crachoir - Kobe - 1572]
« La mouche bouillie
parfume toute la soupe,
fadeur du tofu. »
« Les prunes au soleil
(… illisible…)
bouillant souvenir. »
[Une mouche boit sur mon pied - Kobe - 1588]
*
To Fou (lettré japonais 1612-1670) ou, l'inclinaison des plafonds au pinceau à calligraphie.
« Léchés par les algues
ils vaguent et divaguent ;
au loin, les pieds de l’esprit. »
Biographie :
To Fou, enfant sage, est né en mille six cent douze à quatre heures vingt dans la province de Shinano de parents organisateurs de duels de grillons chanteurs itinérants et baladins. Vivant longtemps de rapine, c’est lors d’un séjour en prison qu’il se met à écrire, puis à dire ses compositions pour distraire ou endormir ses codétenus. L’un d’entre eux (Tou Nu, influant acteur de No en disgrâce) joue de ses relations pour faire éditer les textes de To Fou – dont il est fou. Pour le remercier, celui-ci repeint leur cellule de bleu et de martinets.
Le recueil (Départ des esprits pour Ito) connaît un japonais succès auprès des lettrés de la région puis de l’archipel tout entier.
À sa sortie, To Fou devient un temps singe savant dans une cour de nobliaux avant qu’on perde toute trace de son existence jusqu’à sa mort relatée sèchement dans un dazibao laconique de Nara. Mort le 19e jour du 11e mois de la 8e année de l’ère Manji. C’est le poète d’une unique œuvre.
« Elle clapote à la nuit
chauve comme un œil,
cette fesse d’ange. »
« Sous les lampions rouges
au goût de la coriandre,
un Tigre qui pleure. »
« Le crachat du poulpe
marque dans la marge,
rapaces comme hirondelles. »
« Paresseusement
l’oreille caresse ;
petit poisson dans le vent. »
[Départ des esprits pour Ito - 1658]
*
Shou Ki (1115-1209) ou, la poésie muette des souris.
« L’esprit des esprits,
celui de celui qu’on mange,
lape dans la nuit
le frais lait trait des étoiles,
odeurs du grand chien mouillé. »
Biographie :
Shou Ki est la fille cadette que le troisième samouraï du clan Minamoto* eut avec la seconde suivante et femme de compagnie de la femme de l’empereur retiré Go-Shirakawa. Durant son existence cachée – près de vingt ans dans les multiples manches de kimonos et replis d’obis de la garde-robe Minamoto – elle étudie, silencieuse, la calligraphie, la peinture…
À la mort de sa mère et au sépuku de son père, découverte et chassée, elle part pour Nara lors d’un long voyage où elle découvre la vie hors des palais et note ses impressions dans un carnet qui ne comporte qu’une vingtaine de pages.
Contrairement à la poésie de son temps, la sienne ne se dit ni ne se chante, c’est une méditation. Ses filles ne retrouveront ce qu’on appellera « L'Hors obi de la muette », qu’à sa mort, cousu dans l’ourlet de son iromuji.
Ce bref et précieux recueil à moitié rongé par les souris sera publié en 1213 alors que Geoffroi de Villehardouin rédige ses mémoires.
*源
« Quand le nord sanglote,
vols des oiseaux de passage ;
trémolos de glotte
…
… (illisible) »
« La barque au fond plat,
mince comme un couteau,
coupe les lentilles
du ronin qui n’est pas droit
le sabre posé sur son doigt. »
[L'Hors obi de la muette - Nara - 1213]
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Re: Triptyque japonais.
Ah merci pour ce partage !!!
Je ne sais si je préfère Lou Ping ou To Fou .. et la vie exemplaire de Shou Ki m'a fortement impressionnée !
Lecture qui m'a fait passer un bon moment !!!!
Brindille
Je ne sais si je préfère Lou Ping ou To Fou .. et la vie exemplaire de Shou Ki m'a fortement impressionnée !
Lecture qui m'a fait passer un bon moment !!!!
Brindille
Brindille2- Messages : 38
Date d'inscription : 01/02/2015
Localisation : Sud
Re: Triptyque japonais.
On comprend mieux leurs écrits un peu, comment dire, étranges quand on connait le gruyère de leurs bio. ;-)' N'est il pas?
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Re: Triptyque japonais.
C'est dans" le gruyère de leur bio" que résident les petits plis de l'âge (et du sourire, Japon oblige ! ) au coin de l’œil.
Ton érudition est une source inépuisable de lumière pour les petites cellules ( borgnes et fermées à clef) de notre cerveau.
Ton érudition est une source inépuisable de lumière pour les petites cellules ( borgnes et fermées à clef) de notre cerveau.
Adienog- Messages : 138
Date d'inscription : 10/02/2015
Re: Triptyque japonais.
D'ailleurs dans le gruyére, ce que je préfère, c'est les trous.
Brindille2- Messages : 38
Date d'inscription : 01/02/2015
Localisation : Sud
Re: Triptyque japonais.
Ha, le haïku!
Noircir des pages pour peindre le blanc le plus pur.
Beaucoup y ont laissé leur vie (après y avoir laissé leur tête)!
A propos d'encre, j'ai entendu dire et je m'en vais colporter cette information, ici même, sans l'avoir vérifiée, que Lou Ping ne serait, en fait, pas mort mais en état de tukdam et qu'il réapparaitrait une fois par an, pour pentecôte, sur les flancs de la roche de Solutré pour faire, comme à son habitude, son "petit" pipi et se dégourdir un peu les jambes.
Noircir des pages pour peindre le blanc le plus pur.
Beaucoup y ont laissé leur vie (après y avoir laissé leur tête)!
A propos d'encre, j'ai entendu dire et je m'en vais colporter cette information, ici même, sans l'avoir vérifiée, que Lou Ping ne serait, en fait, pas mort mais en état de tukdam et qu'il réapparaitrait une fois par an, pour pentecôte, sur les flancs de la roche de Solutré pour faire, comme à son habitude, son "petit" pipi et se dégourdir un peu les jambes.
Re: Triptyque japonais.
;-) wouarf juste une glissade dans quelques estampes...Adienog a écrit:C'est dans" le gruyère de leur bio" que résident les petits plis de l'âge (et du sourire, Japon oblige ! ) au coin de l’œil.
Ton érudition est une source inépuisable de lumière pour les petites cellules ( borgnes et fermées à clef) de notre cerveau.
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Re: Triptyque japonais.
;-) c'est par là que passe la lumière, paraît-il...Brindille2 a écrit:D'ailleurs dans le gruyére, ce que je préfère, c'est les trous.
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Re: Triptyque japonais.
L'en serait bien capable histoire d'entrer par la fenêtre ou l'affable de l'Histoire ;-)*Bartkley a écrit:Ha, le haïku!
Noircir des pages pour peindre le blanc le plus pur.
Beaucoup y ont laissé leur vie (après y avoir laissé leur tête)!
A propos d'encre, j'ai entendu dire et je m'en vais colporter cette information, ici même, sans l'avoir vérifiée, que Lou Ping ne serait, en fait, pas mort mais en état de tukdam et qu'il réapparaitrait une fois par an, pour pentecôte, sur les flancs de la roche de Solutré pour faire, comme à son habitude, son "petit" pipi et se dégourdir un peu les jambes.
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Re: Triptyque japonais.
'Trois volets, trois lettres
La coccinelle bavarde
Sous le cerisier'
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La coccinelle bavarde
Sous le cerisier'
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Sezny- Messages : 122
Date d'inscription : 27/02/2015
Age : 42
Re: Triptyque japonais.
Joli ! Ne reste plus qu'à imaginer l'auteur allant râlant sous la chaleur et sur les chemins menant à la paillasse du passant...Sezny a écrit:'Trois volets, trois lettres
La coccinelle bavarde
Sous le cerisier'
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;-)
Il va falloir que je m'en occupe.
Raoul des bois- Messages : 51
Date d'inscription : 15/02/2015
Localisation : 93450
Je suis poésie :: Poésie :: Haïku
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